Le livre numérique gratuit de Eléa Coblan

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Le nom d’Isaac Newton résonne dans l’esprit de chacun d’entre nous depuis les petites classes de l'école de notre enfance ou plus tard avec ses lois de la physique. On se souvient qu’il a compris le principe de la gravitation en observant une pomme tomber, attirée comme n’importe quel corps vers le centre de la terre.

Isaac Newton, un génie précoce, ne s’intéressait guère à sa famille. Il ne se trouvait bien qu’à l’école où il se plongeait dans les études. Admis à Cambridge, il travailla sans arrêt : théologie une de ses passions on le découvrira plus tard : philosophie, mathématiques, optique mais aussi peinture, sculpture, musique matière qu’il théorisera avec le reste.

En 1665 la peste atteignit Londres, on évacua les universités même lointaines et Newton se retrouva dans la propriété familiale à réfléchir à ces deux sujets d’études préférés : la physique et l’optique. Il fit des expériences. Isolé dans une chambre volontairement obscurcie sans filtrer la lumière du soleil que par un trou infime, et dirigeant ce rayon sur un prisme de verre, il observa la transformation de la lumière blanche en rais lumineux bien distincts.

Il n’était pas le premier à le faire mais à la différence de ses prédécesseurs il n’en conclut pas que la lumière se transforme du fait du verre, lequel renverrait un faisceau de couleur suivant sa composition et son inclinaison. Il plaça un second prisme à la suite de l’autre et la lumière qui s’était divisée redevint blanche au sortir du second morceau de verre. Il avait découvert que la lumière n’était pas en suspension dans l’air comme on le croyait, qu’elle était une addition de couleur et que ses rayons lumineux nous parvenaient du soleil en l’espace de 6 minutes et des poussières. Cette première découverte faite en 1666, Newton se garda de l’ébruiter. Il se jugeait trop jeune -vingt-quatre ans- il laissa passer cinq années avant d'en faire une communication scientifique ; le temps de devenir professeur, d'inventer un télescope très précis à miroir sphérique, le temps surtout d'être reconnu par ses pairs.

POMME VERTE

La même année 1666, Newton découvrit la loi dite de Gravitation universelle. L'histoire de la pomme, c’est lui-même qui l'a racontée vers la fin de sa vie, rien ne prouve qu'elle soit authentique. Ce serait en regardant successivement une pomme tomber et la Lune que cette idée lui vint : puisque la pomme est attirée vers le centre de la Terre, et que tout ce qui tombe par terre fait pareil, pourquoi la Lune ne tombe-t-elle pas aussi ? En cet instant, il aurait eu une intuition géniale. Oui, la Lune tombe ! Comme la Terre suit une orbite autour du soleil, elle tombe indéfiniment vers la terre sans jamais y parvenir, et la Terre fait de même avec son étoile. Tous les astres, dans le vide, s'attirent et se repoussent.

Cette théorisation de la gravitation changeait tout l'ordre du monde, autant que la révolution copernicienne.
Prudent, Newton préféra une nouvelle fois garder sa découverte sous le manteau. Il commença par "annoncer la couleur" en 1670, en diffusant son Traité d'optique dans la communauté universitaire, ce qui le rendit célèbre. Il y expliquait le spectre solaire et l'arc-en-ciel. C’est tout juste si on remarqua qu’il parlait de sept couleurs alors qu'on ne pouvait en discerner que six à l'œil nu. Newton le savait pertinemment. II avait rajouté l'indigo comme septième couleur pour faire correspondre ce chiffre avec le chandelier à sept branches de la Bible, les sept jours de la Genèse, les sept notes de musique, etc.

Apparait ici un trait de caractère qui conditionna le reste de son existence, la partie cachée d'un homme très secret. Newton était un génie scientifique incontestable doublé d'un théologien prophétique. Car si Newton passa des années à affiner ses découvertes, s'il a changé la place de notre planète dans l'univers, s'il a modifié notre perception de la lumière, il a consacré beaucoup plus de temps à d'autres activités. Persuadé de trouver dans l'Ancien Testament des messages cachés pour comprendre le monde, il se plongea pendant toute sa vie dans les versets bibliques, les interpréta, en tira la certitude que cerner l'apocalypse était une question de calculs au même titre qu'une loi physique.
S’il ne s’est pas trompé, ce sera pour 2060.

POUDRE D'OR

Comme un certain nombre de ses confrères de la Royal Society, équivalent britannique de l’Académie des sciences, Newton s'adonnait à l'alchimie. Il ne s'intéressait ni à l'astrologie, ni à la magie rituelle, ni aux esprits frappeurs. Astronome réputé, mathématicien, physicien, ses découvertes fondamentales le classaient d'emblée parmi les penseurs rationalistes. Sauf que, en ouvrant grand les portes de l'univers, l'homme rationnel mesurait l'immensité de sa découverte et son irrationalité propre.

Là où Blaise Pascal voyait une mécanique céleste, Newton entrevoyait une architecture mouvante, fluctuante, et d’autant plus intéressante qu’elle pouvait s’expliquer. Tout était une question de logique, pensait-il. La transmutation du plomb en or ou d’un élément en un autre élément ne lui paraissait pas impossible. II y travailla trente ans.

En 1693, l'homme qui avait découvert les secrets du spectre solaire au moyen d'un prisme de verre faillit perdre la vie à cause d’une bougie et d’un diamant. Alors qu’il avait terminé le manuscrit de sa "Nouvelle théorie de la lumière", celui-ci s’enflamma au contact d'un chandelier renversé par son chien appelé Diamant. L'incendie se propagea et détruisit son laboratoire d'alchimie.
Newton arrêta là ses expériences et tomba dans une dépression sérieuse durant trois ans. Il avait perdu le sommeil, souffrait de problèmes digestifs et de mémoire, il tenait des propos incohérents, avait des bouffées délirantes, se pensant constamment persécuté. Il finit par se remettre, et on oublia cette période fâcheuse. S’intéressant récemment aux symptômes de Newton et pour en déterminer les causes, des chercheurs britanniques ont analysé des cheveux du savant. Ils y ont trouvé de l'arsenic, ce qui est très fréquent, de l'or (une bénédiction pour l'alchimiste), mais aussi de l'antimoine, du plomb et du mercure en très grande quantité. Ces chercheurs soupçonnent ces métaux lourds d'être responsables de la période troublée de l'esprit newtonien. Cela n'aurait rien d'étonnant car l'apprenti sorcier avait soigneusement noté sur ses cahiers qu'il avait absorbé, à 108 reprises, plusieurs de ces métaux pour les goûter.

ARGENTÉ

Contrariant l'image du savant timide et loin des contingences, Newton demanda expressément à ses amis haut placés qu'ils lui témoignent de la reconnaissance. Puisqu'il aimait tant l’or, on lui proposa de l'argent. Il fut nommé à la Direction de la Monnaie royale, charge qui consistait à surveiller sa fabrication et sa diffusion. Le poste était surtout honorifique et très bien rémunéré. Newton, avec la permission de la Cour, se prit au jeu et se lança avec ardeur dans la chasse à la contrefaçon. Pendant les années de guerre qui avaient précédé sa nomination, les ministres n'avaient pas hésité à trafiquer eux-mêmes les monnaies en coupant les métaux précieux avec du plomb. Fort de ses connaissances alchimiques, il travailla à récupérer les monnaies frelatées, et à remettre en circulation des pièces sonnantes et trébuchantes. Ayant réussi à mettre de l'ordre en l’espace de deux ans, il se mit à traquer tous les faux monnayeurs avec un zèle accru. Il mena lui-même une centaine d'interrogatoires qui menèrent à la potence 28 contrefacteurs. Impressionné par ses succès, le roi lui confia la conception d'une monnaie unique pour l'ensemble du Royaume Uni, Écosse et Irlande comprises, charge qu'il remplit avec zèle. Il avait réussi à transformer l'argent de la Couronne en or sonnant et trébuchant.

Multipliant les pensions et les revenus, Newton devint très riche. Il se mit à spéculer en investissant de très fortes sommes d'argent dans la Compagnie des Mers du Sud. Les armateurs promettaient des rendements astronomiques, ce que le physicien prit pour argent comptant. Mais la bulle financière éclata, et Newton perdit une somme fabuleuse pour l'époque, 20 000 livres, environ 3 millions de nos euros actuels.

NOIR ET BLANC

Ce qu’on connaît moins encore, c’est l’implication des découvertes de Newton dans la création de la Franc-Maçonnerie, en 1717.
Le pays était exténué par les luttes religieuses continuelles, et l'unité du royaume avait du mal à se concrétiser. La noblesse et la bourgeoisie cherchaient des moyens de commercer en paix et les querelles partisanes paraissaient bien désuètes aux esprits cultivés. Entré par la grande porte à la Royal Society, Newton en était devenu président en même temps qu'il était anobli par la Reine.
Dans cette académie scientifique, on trouvait beaucoup de savants, mais plus encore de philosophes, d'écrivains, d'historiens, de juristes. La fraternité des Rose-croix venue d'Allemagne y avait reçu un bon accueil, cette société secrète étant particulièrement versée dans l'alchimie. De son côté, la Royal Society accueillait des hommes de religions, de pays, et de professions différentes. Leurs objectifs n'étaient pas de poser les fondations d'une philosophie anglaise, écossaise, irlandaise, papiste ou protestante, mais bien une philosophie pour le genre humain...

Pour s’ouvrir à la société civile toute entière et monter un projet de fraternité pacifique entre les humains, l'idée d'une société secrète au Royaume-Uni faisait son chemin. Certains d'entre eux avaient déjà mis au point des réunions nocturnes imitées des assemblées corporatistes des maçons d'Écosse, où de vrais artisans de la pierre se réunissaient pour parler entre eux autour d'un rituel succinct. Ceux-ci perpétuaient le mythe d'une chaîne ininterrompue de compagnons bâtisseurs depuis le fond des âges, entretenaient une caisse de secours mutuel et accueillaient les nouveaux compagnons sur les chantiers avec un mot de passe.

Rien de tel en Angleterre. Mais en s’inspirant de leur modèle, de braves bourgeois avaient créé des loges où se retrouvaient des gens de toutes confessions qui rêvaient de voir la paix revenir pour de bon. Ils n’étaient pas des maçons de métier, des opératifs mais des gens enclins à refaire le monde, des spéculatifs au sens philosophique du terme. Ils se disaient francs-maçons.

Parmi eux Théophraste Desaguliers, newtonien de la première heure et le pasteur James Anderson lui aussi admirateur du scientifique ! Ils allaient puiser dans son œuvre de théologie prophétique pour forger une franc-maçonnerie moderne. S’il y avait un espoir de société utopique à construire, savante de préférence elle se ferait autour des newtoniens. Et si elle agissait avec l’aval des autorités, elle avait toutes les chances de réussir à leur plaire car autour de Newton gravitaient des gens cultivés, des beaux esprits versés dans l’ésotérisme.
À l’instar de Newton et contre Descartes, les deux hommes croyaient au Grand architecte de l’univers, réfutaient les « athées stupides » et les « libertins irréligieux »,. En s’inspirant des études très argumentées de Newton sur le temple de Salomon, ils ont réinventé un passé fabuleux pour justifier leur antériorité. Ils ont créé un mythe totalement invérifiable, mais encore plausible en ce temps-là. Reprenant un peu des anciens rituels (qui furent détruits ensuite), ils rédigèrent de nouvelles « Constitutions », truffées d'allusions religieuses, de signes et symboles, d'objets de réflexion. Les impétrants devaient « chercher la lumière», ayant sous les yeux du noir et du blanc. Depuis la réforme protestante et les puritains, le noir et le blanc étaient déjà une mode vestimentaire. Noir comme le vide sidéral où se propage une lumière blanche. Noir, qui est une addition des autres couleurs sur un support opaque, blanc qui est l'addition des rayons lumineux dans l'air.

Au fond des nouveaux temples, l’œil de Yahvé, l'œil de la providence ! Au plafond le Zénith, au plancher le Nadir, notions astronomiques et alchimiques ! Sur un mur une étoile flamboyante, la comète de Halley surmontée d'un grand G, comme God, comme Géométrie, comme Gravitation ! Les frères étaient sagement répartis autour d'un maitre égal aux autres et désigné par eux, comme dans les assemblées presbytériennes dont faisait partie Anderson, où tous les participants étaient prêtres. Dans les temples, ceux qui entrent doivent équarrir la pierre, philosophique parfois, philosophale aussi. Ce fut un triomphe. Partie de rien ou presque, la Franc-maçonnerie allait devenir en quelques décennies une confrérie à l'échelle européenne, guerres de chapelles incluses.

LUMIERE NOIRE

À titre personnel, Newton ne fut pas initié, sans doute par prudence. Goethe, lui, était franc-maçon. Un siècle après Newton, il rédigea une "Théorie des Couleurs", réfutant totalement le travail du grand physicien anglais. Il était convaincu que les couleurs naissaient de la rencontre entre la lumière et l'obscurité. La physique moderne a totalement rejeté cette idée, qui resta dans son esprit jusqu'à sa mort. Les derniers mots de Goethe furent : « Plus de lumière, plus de lumière ! ?

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Passionnantes ces théories qui semblent contradictoires. Newton pense que la lumière nait des couleurs, Goethe pense que les couleurs naissent de la rencontre entre la lumière et l'obscurité. Si j'en crois Newton, qu'est-ce qui créé les couleurs et si j'en crois Goethe, qu'est-ce qui crée la lumière ?
A moins que ce soit le même paradoxe que celui de la poule et l'œuf !

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Il manque pour être complet la contribution de Newton au calcul différentiel et intégral dont on admet aujourd'hui qu'il fut avec Leibniz le co-inventeur, bien que cette gloire partagée provoqua à l'époque pas mal de controverses !
L'esprit différentiel du XVIIème...
Du temps où les infiniment petits s'appelaient des évanouissantes et les tangentes des touchantes. Newton définit les premières comme "des quantités qui diminuent, non pas avant de s'évanouir, ni après qu'elles se sont évanouies, mais au moment où elles s'évanouissent." Ca ressemble à un poème sur l'hystérie.
Et une touchante, c'est la limite d'une sécante lorsque les deux point M et M' (voir photo) où elle coupe la courbe "se rapprochent infiniment l'un de l'autre".

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Bibliographie :

L. Haddad, A. Cirou Clés de voûte, savoir l'Astronomie, Seuil/Afa
J-P Maury Newton et la mécanique céleste, Gallimard
A. Bauer Origines de la Franc-maçonnerie: lsaac Newton et les newtoniens, Dervy
Denis Guedj Le théorème du perroquet

( Le 22/01/2021 )113