Le livre numérique gratuit de Eléa Coblan

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Après les signes du déluge du chapitre "Spiritualités et mythologies", voici les récits du Déluge.

Table des matières
I – Introduction
II - Le Déluge décrit par les anciens mésopotamiens, les tablettes cunéiformes
III – La Genèse
IV – Le Mont Ararat, la Montagne Sacrée
IV.1 – Le Mont Ararat
IV.2 – L'Anomalie de l'Ararat
V - Le Déluge décrit par les Aztèques
VI – Chez les Romains et les Grecs
VII – Le Coran
VIII – L'art
VIII-1 En peinture
VIII-2 Un exemple en poésie
IX – Le climat en cause
X – Conclusion

I – Introduction

Le mythe du Déluge surgit de façon récurrente à différentes époques et sur tous les continents. Le récit universel de l'inondation qui détruit le monde et du héros qui sauve la vie humaine et animale symbolise la fragilité de la condition humaine et l'incertitude des plans divins. Il se dévoile aux archéologues pour la première fois au cours du II ème millénaire avant JC en Mésopotamie.
Curieusement, dans ces écrits lointains de l'âge du bronze, se discerne déjà une bonne partie du récit biblique de la Genèse qui fut rédigé plus de mille ans après : le chaos primordial, l'ordre de séparation des cieux de la terre et des eaux ou encore la création de l'homme avec de l'argile, la matière première des constructions sumériennes.

On a repéré des récits de calamités liées au Déluge en Mésopotamie, en Égypte, en Grèce, en Syrie, en Europe, en Inde, en Asie de l'Est, en Nouvelle-Guinée, en Amérique Centrale, en Amérique du Nord, en Mélanésie, en Micronésie, en Australie et en Amérique du Sud. Trois cents ont été dénombrés à ce jour.

II - Le Déluge décrit par les anciens mésopotamiens, les tablettes cunéiformes

En 1872, Georges Smith déchiffra une histoire du Déluge très similaire à celle de la Genèse, inscrite sur une tablette d'argile déterrée sur le site de la lointaine Ninive.
Comme dans la Bible, le comportement de l'humanité poussa les dieux de Babylone à l'éradiquer de la surface du monde par submersion. Toutefois, un héros réussirait à sauver la variété des créatures vivantes grâce à une Arche dans laquelle serait abrité un couple de chaque espèce animale.
Le mythe bien ancré de cette civilisation provient de la dépendance absolue et inéluctable aux eaux du Tigre et de l'Euphrate. Il est probable que cette histoire fut transmise oralement sous une version quelconque durant des millénaires. Il s'agit pour les dieux de recréer des formes de vie plus appropriées dans un monde à nouveau propre et vide.
Consterné par cette proposition d'extinction, le dieu Enki, nommé plus tard Ea, divinité de la sagesse et maître des eaux, désigne alors l'individu apte à sauver l'existence de la race humaine et des autres espèces. On racontait des drames effrayants provoqués par le gonflement du Tigre et de l'Euphrate en une vague ravageuse qui ne laissait que le chaos.
Bien que l'inondation soit le thème central, les premières tablettes d'argile du IIème millénaire avant JC ne racontent pas un récit unique mais des aventures différentes, ce qui est la preuve de l'ancienneté du sujet dans des époques encore plus anciennes.
Le récit diluvien sumérien avec d'importants épisodes narratifs dont l'Epopée d'Atra-Asis et l'épopée de Gilgamesh se présente sous trois versions cunéiformes distinctes, l'une est en sumérien*, les deux autres en akkadien*.
Ces histoires finirent pas se figer sous une forme littéraire seulement à partir de l'épopée de Gilgamesh.

*Le sumérien est la langue parlée à Sumer en Basse Mésopotamie aux IV ème et III ème millénaires av. JC. C'est la plus ancienne langue connue dont l'écriture s'appelle le cunéiforme.
*L'akkadien (dérivé de la ville d'Akkad) est une langue qui fut parlée au moins du début du IIIème millénaire jusqu'au Ier millénaire avant JC en Mésopotamie. Elle remplaça progressivement le sumérien mais les deux langues étaient comprises. Elle comporte deux dialectes : le babylonien, dans le Sud de la Mésopotamie (Babylonie), et l'assyrien, dans le Nord (Assyrie). Elle sera supplantée par l'araméen au cours des derniers siècles et ne sera plus utilisée que dans le milieu savant en Babylonie.

Ces textes se distribuent sur une large période de temps :
Paléo-babylonien 1900-1600 av JC
Médio-babylonien 1600-1200 av JC
Néo-assyrien 800-600 av JC
Néo-babylonien 600-500 av JC


Des consignes furent gravées sur la « tablette de l'Arche » découverte récemment, dictées par le dieu Ea; elles concernent autant la structure du navire que ses passagers, hommes et bêtes. Ea communique à Atra-Hasis la décision des dieux en s'adressant à un mur par ces mots célèbres : « Palissade, ô palissade ! Claie, ô claie des roseaux ! »
En ce temps là, les maisons étaient faites de roseau. Ea demande de construire un immense navire composé de roseaux recouvert d'une toiture solide.
La forme de l'Arche mésopotamienne était circulaire. Elle ressemblait à un coracle, un disque à roseaux, le bateau des anciens bretons qui avait l'avantage d’être facile à transporter car extrêmement léger.

III – La Genèse

« Et Noé, il disait souvent à sa femme
Quand il s'asseyait pour dîner :
- Je me moque bien de savoir où va l'eau
Tant qu'elle ne se mêle pas au vin. »
G.K. Chesterton

Le livre de la Genèse raconte dans les chapitres 6 à 8 l'histoire de Noé et du Déluge. Noé est âgé de 600 ans au moment du Déluge. 1656 années le séparent de la naissance de son aïeul Adam, le premier homme qui, lui, aurait vécu 930 ans. Les patriarches antédiluviens vivaient très vieux, ce n'est que plus tard que la longévité humaine sera réduite à une centaine d'années.
A cause de la corruption des hommes, Dieu provoque la destruction de toute créature terrestre par le Déluge, à l'exception de Noé et de sa femme, de ses trois fils et leur femme ainsi qu'un couple de chaque espèce animale.
Au chapitre 9, Dieu établit alors une alliance avec les humains survivants, promettant de ne plus amener de Déluge sur la Terre. À la fin du chapitre, Noé plante une vigne, puis s'enivre de son vin et se dénude. Son fils Cham le voit nu et au lieu de le couvrir, court prévenir ses frères. Noé maudit alors Canaan, le fils de Cham, en le déclarant esclave de Sem et Japhet les frères de Cham.

Noé n'était pas sans ressources, il avait également reçu des instructions précises malgré quelques contradictions.
L' instruction de la Genèse 6, 19-22 ordonne : « De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l'Arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi ; il y aura un mâle et une femelle. Des oiseaux selon leur espèce, et du bétail selon son espèce, de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie. Prends aussi avec toi de tous les aliments que l'on mange, et fais-en provision, afin qu'ils servent de nourriture pour toi et pour eux. »
Si ces paires triées étaient destinées à garantir la survie de leur espèce, aucune d'entre elles ne pouvait être consommée. Les lois naturelles de la prédation devaient donc être momentanément suspendues. On imagine le difficile arbitrage de la vie à bord et l'habileté du capitaine pour faire respecter ces règles.

On lit cette autre instruction de la Genèse 7, 2-3 : « Alors le Seigneur dit à Noé : « Entre dans l'Arche, toi et toute ta maison, car je t'ai vu seul juste devant moi parmi cette génération. Prends auprès de toi sept couples de tous les animaux purs, le mâle et la femelle ; une paire des animaux qui ne sont pas purs, le mâle et sa femelle ; et aussi sept couples des oiseaux du ciel, mâle et femelle, afin de conserver leur espèce en vie sur la face de toute la terre. »
Cette nouvelle directive impose six paires masculines et féminines de plus pour toutes les espèces.
Finalement, Noé embarquera un mâle et une femelle de chaque espèce, rejetant l'option des sept couples. On se met à la place de Noé devant ces consignes contraires dans cette affaire aussi fondamentale que la survie de toute existence sur terre.

La question des animaux de Noé n'est plus une préoccupation scientifique de nos jours, mais elle le fut pour des savants qui y consacrèrent beaucoup d'efforts lorsque les connaissances concernant l'histoire naturelle se développaient. Un de ces savants, Athanase Kircher (1601-1680), le Maître des cent savoirs, laissa un magnifique ouvrage illustré sur l'Arche de Noé : Arca Noe.

Impossible d'évoquer le Déluge de la Bible sans se poser sur la Montagne Sacrée, le Mont Ararat.

IV – Le Mont Ararat, la Montagne Sacrée

IV.1 – Le Mont Ararat Selon le récit biblique, après le Déluge, l'Arche de Noé se serait échouée sur le mont Ararat. Son nom apparaît déjà sur une tablette d'argile représentant une carte du monde connu montrant l'Assyrie, la Babylonie et l'Arménie. Il est l'un des sommets les plus élevés de l'actuelle Turquie. C'est un lieu marqué par un long passé de conflits, beaucoup de sang innocent répandu sur ses flancs, en particulier le massacre des Arméniens en 1915 avant la constitution de la première République indépendante de Turquie.

Paolo Cossi, dans sa bande dessinée « Ararat » le décrit ainsi : « Au cours des siècles derniers, l'Ararat est devenu un immense cimetière. Les fleuves de sang innocent qui en ont imprégné et fertilisé les versants s'opposent à l'éblouissante blancheur et la pureté des neiges éternelles, symbole de paix. Les anciens gardiens arméniens des restes de l'Arche, qui l'ont savamment protégée jusqu'en 1915 ont disparu. Avec eux est passé à l'oubli l'ancienne coutume de nombreux villageois de la montagne, de se rendre régulièrement en pèlerinage sur les restes de bois bibliques pour prier. Et avec elle a disparu aussi la mémoire de l'endroit où l'Arche était posée ».

Avant la Première Guerre Mondiale, les Arméniens vivaient dans l'Empire Ottoman, certains dans l'Empire turc musulman, d'autres dans l'Empire russe chrétien qui correspond à l'Arménie actuelle.
On comptait environ deux millions d'Arméniens avant 1915 sur les 36 millions d'habitants de l'Empire Ottoman. Les Arméniens étaient méprisés. Ils étaient surtout des paysans pauvres à qui les nomades kurdes armés extorquaient régulièrement les biens. Dans les villes turques, par contre, les Arméniens pouvaient bénéficier d'une meilleure éducation.
Après la désastreuse guerre russo-turque de 1877-1878, l'Empire Ottoman s'engage auprès des vainqueurs à protéger les populations chrétiennes (parmi lesquelles les Arméniens) et à leur donner les mêmes droits qu'aux populations musulmanes.
Cependant, le génocide arménien sera ordonné suite à la Révolution et la prise du pouvoir turc par le parti des Jeunes-Turcs. Les Turcs manipuleront les kurdes contre les arméniens ; ils joueront un rôle actif dans ce génocide. Il y aura plus d'un million de victimes. Les kurdes, comme avant eux les arméniens, seront marginalisés par les turcs. Ils sont considérés comme des éléments subversifs à la solde de la Russie. Sept cent mille personnes seront déportées et expulsées de leurs terres ancestrales et exilées de force. La moitié périrent.

Médiapart écrit encore en mars 2021 ces lignes : « Les Kurdes célèbrent leur Nouvel an, Newroz, l'arrivée du printemps. Ces dernières années, le régime islamo-nationaliste turc a semé la terreur au Nord-Kurdistan et pratiqué une répression politique à outrance: les médias ont été bâillonnés, les voix d’opposition étouffées. Cette année, le HDP, le Parti Démocratique des Peuples, est menacé d'interdiction. »

IV.2 – L'Anomalie de l'Ararat

Diverses sources, dont les plus anciennes remontent à l'Antiquité, témoignent de la présence des restes de l'Arche qui serait suspendue à deux cimes rocheuses du Mont Ararat.
Le moine Saint Jacob en 330, perdu sur l'Ararat, mort de soif, voit apparaître un ange qui fait jaillir une source et lui confit un morceau de bois de l'Arche. L'église Etchmiadzin, le plus ancien édifice chrétien arménien, abrite ce bois de l'Arche de Noé sous un bas-relief représentant Saint Paul.

Plus récemment, des ascensions ont été entreprises pour explorer les lieux. Des photos satellites montrent d'étranges cavités qui rappellent la structure de l'Arche : « l'Anomalie de l'Ararat ». L'Arche se trouverait sur le glacier Parrot.

Durant l’été 1916, un aviateur russe en mission de reconnaissance, Roskovitsky, repère sur le flanc est de la montagne, dans un lac gelé, la carcasse d’un gigantesque navire. Un capitaine envoyé ensuite confirme, fait un rapport au tsar Nicolas II qui envoie une expédition de 150 hommes parmi lesquels des soldats, des photographes, des dessinateurs, des géographes et des scientifiques. Tous ces efforts n'auraient pas été vains.
Malheureusement, le mystère reste inviolé. La révolution d'octobre en 1917 provoqua la chute du tsar. Avec la fin des Romanov, les plaques photographiques et les documents disparurent, sans doute cachés dans des archives secrètes.

Depuis, l'évolution des technologies n'a fait émerger aucune preuve tangible sur la présence de l'Arche dans ces contrées extrêmes. Les Turcs contrôlent ces zones et ne donnent que très peu d'autorisations aux chercheurs susceptibles d'enrichir le sujet.

V - Le Déluge décrit par les Aztèques

Les Aztèques étaient un peuple amérindien qui s'était définitivement installé dans le plateau central du Mexique, dans la vallée de Mexico, sur une île du lac Texcoco, vers le début du XVIème siècle. Ils avaient atteint un niveau de civilisation parmi les plus avancés. Selon leur croyance, la déesse Chalchiuhtlicue provoqua un Déluge universel. Coxcox et son épouse Xochiquetzal, les seuls survivants, s’étaient réfugiés dans le creux d'un cyprès qui flotta sur les eaux et s'échoua finalement sur une montagne à Culhuacan. Ils eurent beaucoup d'enfants. Leurs têtes sont représentées dans certaines peintures, ainsi qu'une barque flottant sur les eaux, au pied d'une montagne. On y voit aussi une colombe tenant dans son bec l'emblème hiéroglyphique des langues. La colombe, envoyée par le Grand-Esprit, devait apprendre à parler aux enfants de Coxcox, qui étaient nés muets. Quinze d'entre eux y parvinrent. Ces croyances sont décrites dans le codex Borgia qui est un manuscrit du centre du Mexique, probablement d'origine mixtèque ou tlaxcaltèque, actuellement conservé à la bibliothèque apostolique vaticane.

Chez les voisins Mechoacan peuplant les plaines élevées des Andes, une autre légende circulait. Le sauveur se nommait Tezpi. La barque de Tezpi, leur Noé, était remplie de diverses espèces d'animaux et d'oiseaux. Lorsque la situation devint plus calme, Tezpi lâcha un vautour qui ne revint plus et se nourrit des cadavres des géants que les eaux en se retirant laissaient sur la terre. Le petit oiseau mouche HuitZitzilin fut envoyé à son tour et rapporta un peu de verdure dans son bec.

VI – Chez les Romains et les Grecs

La mythologie grecque et romaine ne fait pas exception. Les Métamorphoses d'Ovide exposent dans un long poème aux romains la colère de Jupiter contre l'humanité criminelle. Ovide vécut au Ier siècle mais fut inspiré par la philosophie stoïcienne d'Héraclite qui vécut au VI ème siècle av JC pour laquelle le cosmos est détruit périodiquement. On retrouve cette idée de continent perdu, l'Atlantide, où le Mal régnait en maître, dans le Timée et le Critias de Platon. A l'origine de l'aventure atlante, il y a une jeune fille, Clitô, désirée par Jupiter. La mixité du divin et de l'humain provoque l'ultime cataclysme. La prédominance progressive de l'humain sur l'élément divin, à la fin du Critias, déclenche la dégénérescence de l'Atlantide et des Atlantes devenus « remplis d'injuste cupidité et d'excès ». Cette dégénérescence entraîne la décision de Zeus de détruire l'Atlantide.

VII – Le Coran

Sourate 11 : « Nous envoyâmes Noé vers son peuple : Je suis, leur dit-il, chargé de vous avertir clairement de n'adorer que Dieu. Je crains pour vous le châtiment du jour terrible. Les chefs du peuple incrédule lui dirent : Tu n'es qu'un homme et nous ne voyons que la plus vile populace qui t'ait suivi sans réflexion. Vous ne possédez aucun mérite qui vous rende supérieurs à nous […]

Il a été ensuite révélé à Noé : Ne t'afflige point de leurs actions, construit un bateau […] Et il en fut ainsi jusqu'au moment où notre ordre fut donné... » L'incrédulité des hommes sera punie par un châtiment terrible envoyé par Dieu. Il éliminera tous ceux qui n'ont pas cru en Lui et protégera les autres.

VIII – L'art

VIII-1 En peinture

Le Déluge inspire toujours de nombreux peintres qui matérialisent tantôt les drames humains, tantôt les pertes matérielles, tantôt les deux. Les tendances évoluent avec les techniques picturales : maniérisme et mouvement avec Raphaël et Michel-Ange au XVI ème siècle, art baroque au XVII ème siècle, simplicité néo-classique au XVIII ème siècle, romantisme au XIX ème siècle. Fresques, frises, tableaux ou dessins révèlent les peurs humaines qui se transforment selon les époques et les événements.

Michel-Ange a représenté le Déluge sur les fresques de la voûte de la chapelle Sixtine dans les l'espace dédié au « Déluge Universel » et celui dédié à « L'ivresse de Noé ». Il insiste plus sur l'impuissance de l'homme que sur la punition divine. Il peint les bons qui s'entraident et les mauvais qui se battent.
Vasari le mentionne en l'honorant de son estime :
 «  Dans la scène du Déluge, avec des tas d'hommes à la mort dans l'épouvante de ces jours qui cherchent par tous les moyens à sauver leur vie ; à leurs faces on voit que leur être est la proie de la mort autant que de l'effroi terrifiant et de l'abandon. Il y a des actes de pitié : des gens se tirent l'un l'autre au sommet d'un roc pour échapper. Un autre étreint un demi-mort en s'efforçant de le sauver ; la réalité n'est pas plus explicite.»

Au contraire de Michel-Ange, dans une enluminure du missel de Philippe-Marie Visconti, duc de Milan, l'artiste insiste sur les pertes matérielles et l'innocence des animaux. Il peint Noé qui fait entrer les animaux dans l'Arche. Les espèces sauvages sont mêlées à des espèces domestiques. L'inondation a déjà tout englouti à l'exception de dômes et des tourelles argentées d'une ville. Des corps humains flottent sur les vagues au sommet de la miniature.

VIII-2 Un exemple en poésie

XIXème siècle : Alfred de Vigny. Le Déluge.
...Ce fut le dernier cri du dernier des humains.
Longtemps, sur l’eau croissante élevant ses deux mains,
Il soutenait Sara par les flots poursuivie ;
Mais, quand il eut perdu sa force avec la vie,
Par le ciel et la mer le monde fut rempli,
Et l’arc-en-ciel brilla, tout étant accompli.

IX – Le climat en cause

Photo : Ancienne affiche représentant l'Arche sur le mont Ararat – Survol de l'anomalie de l'Ararat – Carte des rives de la Mer Noire.

Toutes ces découvertes permettent aux archéologues d'avancer l'hypothèse d'une ou plusieurs inondations qui se sont produites à peu près à la même époque. La mer Noire se serait formée en seulement quelques semaines, il y a environ 7500 ans, expliquant le mythe du Déluge qui serait alors le premier récit d'une catastrophe climatique.

Le niveau de la Méditerranée, alimentée par la débâcle, aurait ouvert une brèche dans le détroit des Dardanelles, libérant dans le bassin de la mer Noire des forces « 200 fois supérieures aux chutes du Niagara ». Ses rives auraient été submergées à la vitesse d'un kilomètre par jour. En moins d'un an, l'ancien lac d'eau douce se serait élevé de 180 mètres au dessus de son niveau initial !

Des coquillages et des fossiles d'animaux d'eau douce furent retrouvés dans des sédiments profonds du bassin, à 120 mètres de fond. Ils datent de 7500 ans avant le présent.

A la fin de la dernière période glaciaire, il y a 20000 ans, l'énorme calotte qui écrasait une bonne partie de l'hémisphère Nord sous 50 millions de kilomètres cubes de glace s'est répandue dans les dépressions. Le niveau des océans et des mers a remonté. Celui de la Méditerranée a gonflé les eaux de la mer de Marmara et fini par atteindre le sommet de la digue naturelle protégeant le lac. Un mince filet d'eau s'est d'abord engouffré dans le canyon précurseur du détroit du Bosphore, long de 42 kilomètres, avant de balayer les plaines.

La submersion des rivages de la mer Noire a dispersé les peuples, disséminé l'agriculture et diffusé le récit de la crue dévastatrice depuis les rives de l'Euphrate à l’Égypte pré-dynastique et jusqu'au Finistère. Partout où les survivants s'installèrent, la terrible inondation devint un mythe fondateur à l'adresse des générations suivantes.

Il se peut aussi qu'il n'y ait pas eu un déversement catastrophique unique mais plusieurs déversements provoquant la surverse de la Méditerranée par des inondations exceptionnelles du Tigre et de l’Euphrate. La dévastation des paysages aurait déclenché des vagues migratoires qui ont disséminé les premières technologies agricoles en Europe.

X – Conclusion

Le grand spectacle de l'Univers détruit et rétabli que l'humanité contemple depuis sa naissance contribua à établir, sans aucun doute, la source de toutes les Religions dont le motif commun est la reconnaissance infinie envers l’Être Suprême qui l'a sauvée. Pour perpétuer la mémoire de ces révolutions, des fêtes commémoratives sont organisées afin d'entretenir l'idée de la fragilité de la vie et d'asseoir les règles du bon comportement et des rituels qui la protègent de la mort. Le Secret de l'Univers est que la Nature devient, périodiquement, l'ennemie du genre humain. Il y a un éternel retour du Déluge.
Nicolas-Antoine Boulanger estime que la venue du Grand Juge, celui de l'Apocalypse par exemple, l'attente du Messie, sont l'expression socialisée de la crainte de ce retour.

( Le 18/09/2021 )173