Le livre numérique gratuit de Eléa Coblan

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Sommaire :
1) L'immanquable : les remparts
2) Les gens d'ici avant
3) Le palais du Recteur et l'Alchimiste
4) L'ile de Lokrum, ile maudite
5) Marin Drzic
6) Un peu d'histoire et de politique croates
7) Tito

1) Dubrovnik, l'immanquable : Les remparts.

Balade qui prend environ 3 heures. On a une vue imprenable sur la vieille ville, ses ruelles, le Stradun, les différentes églises et monastères, le port, les petits jardins, les toits de la ville, les collines, la côte et la mer.
Elevés entre le VIII et le XVIème siècles, ils ont protégé la ville pendant des centaines d'années, même si celle-ci a toujours privilégié la solution diplomatique aux conflits armés avec ses rivaux. Finalement ces remparts ont vu très peu de batailles, c'était le but sans doute. Mais ils ont vu, c'est sûr, les batailles de Game of thrones.
Remparts les plus aboutis d'Europe, ils ceinturent la totalité de la vieille ville avec leurs 1940 m de long. Les murs, parfaitement conservés, peuvent atteindre 25m de haut et jusqu'à 6m d'épaisseur. La partie intérieure fut construite par l'architecte florentin Michelozzo Michelozzi.
La ceinture extérieure comporte 3 tours circulaires, 5 bastions et 12 tours carrées ou rectangulaires ainsi qu'une énorme forteresse Sveti Ivan (Saint Jean) qui surplombe le port.
De plus, deux grosses forteresses extérieures surveillaient la mer et aussi la route de l'ouest, bouclant la ceinture de protection de la cité fortifiée.

2) Les gens d'ici avant.

Hommes et femmes portaient des habits superbes à l'occasion des fêtes. Je crois que toute leur vie n'avait d'autre objectif que la création de ces vêtements colorés et ces bijoux finement ciselés. Les boutons des costumes, notamment, étaient magnifiques, ronds et sculptés. Tellement beaux qu'on les décline en boucles d'oreilles ou pendentifs dans les vitrines des artisans des petites rues de Dubrovnik. J'ai acheté des boucles absolument exquises...
Les femmes travaillaient beaucoup, d'après ce que Pierre Loti décrivit dans son "Voyage au Montenegro", leur labeur dans les minuscules parcelles de terre difficilement accessibles qu'elles cultivaient dans les montagnes était particulièrement dur. Elles rapportaient à la maison, sur leur dos les sacs de patates ou d'autres maigres récoltes produites à la sueur de leur front. Les hommes buvaient pas mal et n'étaient pas tendres avec elles. Il n'était pas rare qu'elles prennent des coups de ceinturon pour des peccadilles. Lu chez Loti, c'était une autre époque. Depuis, elles se sont libérées ici comme partout ailleurs. Un peu quand même, enfin pas partout et pas complètement, non !

3) Raguse, le palais du Recteur et l'alchimiste.

Construit à la fin du XVè siècle.
Le palais du Recteur est l'un des plus beau monument de la ville, seul monument historique toléré qui soit dédié à un seul citoyen. Mélange élégant des styles gothiques et renaissance, il témoigne des différents maîtres d'ouvrage et de son histoire. Des images du bombardement entre 1991 et 1992 sont projetées sur ses murs certains soirs, des photos sont affichées sans commentaires sous forme d'exposition. Il abrite un musée intéressant.
Ma quête : j'ai trouvé l'Alchimiste que j'ai longtemps cherché, enfin...
J'ai mis du temps à trouver cette merveille bien cachée car à la vue de tous. Peu l'ont remarquée. Il a fallu que je pose la question à la conservatrice du Palais que j'ai fait sourire et qui m'a accompagnée jusque sous la belle colonne. Je suis venue à Dubrovnik un peu pour Elle (pas la conservatrice... ). Demi-chapiteau, sculpté par Pietro di Martino et son équipe. Il représente le fils d'Apollon et d'une mortelle, Asklépios ou Esculape, le père de la médecine, représenté ici assis dans son atelier d'apothicaire. De Milan, Martino a vécu ici pendant 20 ans à partir de 1432. C'est la seule sculpture originale à avoir survécu à l'explosion qui a endommagé le bâtiment d'Onofrio dans son état d'origine, position sur le bâtiment. Quelques autres fragments ont été déplacés à l'intérieur. Le mythe d'Esculape, dont le symbole est généralement les deux serpents enroulés autour de son bâton, a un lien éloigné avec Dubrovnik, en ce sens que le nom original de la ville était Epidaure - et Esculape est originaire de la ville de Grèce du même nom. L'iconographie de ce bâtiment suggère la place de Dubrovnik dans son histoire.
Sur une face, Asclepius enseigne sa science. Sur les étagères se trouvent les ingrédients pharmaceutiques. A ses pieds, la cornue qui distille la pierre de vie éternelle. Sur l'autre face, deux personnages du peuple sont sculptés. Du peuple car l'un porte une volaille, l'autre un agneau. Cela signifie que l'Alchimiste vise la santé et la vie éternelle pour tous. Il parait que Dubrovnik, à son âge d'or, bénéficiait de soins de santé gratuits dispensés par des médecins salariés.

4) Ile de Lokrum, l'île maudite.

Située à 15 minutes de bateau de Dubrovnik, l'île est un magnifique havre de paix au milieu de la baie de Dubrovnik. Les plages ne sont pas trop bondées mais pas de sable en vue. Il y a beaucoup à voir pour y passer la journée, le dernier bateau rentre à 20:00 heures précises.
Mais au delà de ses randonnées, de son lac intérieur, du monastère et de l'exposition permanente du trône de fer de la série Game of thrones, sa légende contribue largement à sa réputation.
C'est en effet ici que se serait échoué Richard Cœur de Lion de retour de la IIIème croisade. Il fit le vœu d'y construire un lieu de culte s'il était sauvé. Il ne respecta ce vœu que partiellement. L'église fut construire dans la vieille ville de Dubrovnik plutôt qu'à Lokrum. Il s'agit de la cathédrale (rien de moins...).
Il y a encore d'autres légendes qui courent sur l'île, notamment sur le monastère bénédictin. L'île a été occupée dès 915 par des moines basiliens, puis par les bénédictins au XIème siècle. Il y érigèrent un monastère et une basilique. Ils cultivèrent des oliviers. À l’arrivée de l’armée française à Dubrovnik, le maréchal Marmont décida de construire le fort royal sur Lokrum, une forteresse défensive. Lorsque l’armée est arrivée sur l’île en 1798, les bénédictins ont dû quitter l’île. Les bénédictins ont célébré la dernière messe avant de partir et ont ensorcelé l'ile. Ils ont enfilé des cagoules, ils ont allumé des bougies, les ont retournées et ont fait le tour de l’île trois fois en procession en marmonnant chants et prières : “Maudit soit tous ceux qui obtiennent Lokrum pour leur plaisir personnel.” Selon la croyance populaire, la malédiction ne peut être levée que si toute la cire tombée dans la mer cette nuit-là est collectée. Il est vrai que les occupants postérieurs ne connurent pas de fin particulièrement heureuse.
Cinquante ans après, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’île appartenait à la dynastie des Habsbourg et à la famille princière des Windischgrätz, et de nombreux membres de cette dynastie ont subi un mauvais sort. Ferdinand de Habsbourg fit de Lokrum une île paysagère et aménagea jardins, sentiers, fit construire des réservoirs. Il vécut l'été avec sa femme Charlotte de Belgique sur l'île dans leur superbe propriété au milieu d'un parc boisé. Ici, les forêts de pins côtoient les cyprès, les chênes, les lauriers roses, la myrte... Le nom de Lokrum signifie "fruit amer".
Maximilien fut exécuté. Sissi, Élisabeth de Wittelsbach, fut assassinée à Genève en 1898. Selon la légende, chaque propriétaire de l’île mourra d’une mort tragique ou non résolue. Même la mort du dernier propriétaire de l’île, qui a vendu l’île au gouvernement yougoslave pour 500 000 dollars, reste un mystère.

5) Marin Drzic

Le Shakespeare croate.

Marin Drzic naquit à Dubrovnik en 1508 et mourut à Venise en 1567. Il fut le plus grand dramaturge de la renaissance littéraire croate. Il était prêtre, musicien, acteur, poète, metteur en scène et finalement conspirateur contre l'oligarchie aristocrate de la République de Dubrovnik. Il chercha l'appui du Duc florentin, Cosme de Médicis pour renverser le gouvernement ragusain de l'époque. Le Duc ne donna pas de suite à ses nombreuses lettres. Il fut sans doute le précurseur des Shakespeare et Molière.
Une citation très actuelle choisie dans Skup :
DŽIVO (seul) : Mon Dieu, l'homme est une étrange créature, si on y réfléchit bien, et les natures sont tellement diverses en lui, pour celui qui y prête attention. Les uns sont, - je laisse le reste,- des natures calmes avec lesquelles on peut parler, qui entendent la raison, qui acceptent la sagesse et la suivent, qui comprennent le monde, qui me semblent à moi de vrais hommes. Les autres sont des natures dures, intransigeantes, qui paraissent raisonnables, mais avec lesquelles on ne peut pas parler. A ceux-ci, les gens calmes semblent fous ; ils portent leur seigneurie dans leur tête avec superbe, dont ils prétendent faire tout leur art, mais c'est cela qu'on appelle la barbarie ; ils veulent ce qu'ils convoitent, et considèrent que leur volonté est la seule raison. L'esprit n'a pas sa place dans leur tête, c'est la vanité qui siège ici et l'obstination. Ces gens-là sont irréfléchis, sans pitié ; ces gens-là défendent le droit avec des mots et l'orgueil, mais ils se montrent injustes en étant irréfléchis. Or chacun est injuste et irréfléchi s'il ne comprend pas la femme et ne mesure pas le monde et le temps et la condition des hommes avec une jauge juste et sage et de la compassion. (…) (Iv, vi11).

6) Un peu d'histoire et de politique croates

La république Hrvatska (HR sur les plaques des voitures) est une démocratie parlementaire inspirée de la Vème République française. On retrouve les trois pouvoirs, exécutif, législatif (le Sabor) et le judiciaire. Les partis politiques sont les sociaux-démocrates (SDP), les démocrates libéraux (HNS), la Diète démocratique d'Istrie (IDS-DDI) et le parti des retraités (HSU).
Les croates sont catholiques à 88%, c'est à relever car la religion catholique représente une empreinte très forte sur l'identité nationale.
Le gros souci de Dubrovnik concerne le tourisme de masse. Ce ne fut pas trop le cas cette année. Malgré le monde, la foule des touristes était supportable à cause de la covid sans doute. La Croatie fait partie de l'UE mais pas de la zone euro, la monnaie est la kuna, un euro = 7,5 kunas environ.
Une petite parenthèse... Je n'ai pas eu l'occasion de le visiter mais il existe un petit pays libre, le Liberland, situé à la frontière entre la Serbie et la Croatie. La devise locale du Liberland est "Vivre et laisser vivre".
Entre la Serbie et la Croatie, la normalisation des relations est engagée depuis plusieurs années. Elle s'accompagne de gestes constructifs des autorités serbes, notamment sur la gestion du passé (retour des réfugiés, échanges d'informations sur les personnes disparues, la restitution des biens culturels confisqués, facilitation des procès pour crime de guerre, etc...). Il s'agit d'initier ou d'accélérer la résolution des principaux antagonismes serbo-croates.

Quelques dates sur l'histoire du pays :
1914 attentat de Sarajevo contre le prince héritier François Ferdinand qui déclenche la première guerre mondiale.

1946 la Croatie, dirigée par Josip Bros dit Tito, devient la République fédérale populaire de Yougoslavie.

1988-1990 Milosévic prend le pouvoir en Serbie et déclenche la bataille de la Grande Serbie phagocytant les républiques voisines.

1991 la Croatie déclare son indépendance. Début de la guerre contre les armées yougoslaves en Croatie. Un quart du pays tombe aux mains des Serbes.
Bombardements visant la vieille ville de Dubrovnik d'octobre à décembre.

19 novembre 1991 : le plan Kouchner pour Dubrovnik requiert l'arrêt de la JNA à Mokosica. La Croix-Rouge évacue des milliers de personnes. La Serbie est sanctionnée par la Communauté Européenne et internationale.

Janvier 1992 reconnaissance de l'indépendance croate par des membres de l'UE (le Vatican étant le premier) ; dès l'été 1992, la Croatie fait partie de l'ONU.

1995 signature des accords de paix de Dayton, aux Etats-Unis. Le conflit a fait près de 15000 morts et 50000 blessés.> 1999 l'Otan déclenche la "guerre du Kosovo". Milosevic est inculpé pour crimes contre l'humanité par le Tribunal pénal international.

Eté 2004 les français découvrent la Croatie et Dubrovnik en devient la coqueluche.

1er juillet 2013 la Croatie devient membre de l'UE à part entière.

2019 négociations en cours pour l'adhésion à l'espace Schengen et à la zone euro (objectif 2022)

2020 le gouvernement travaille sur une croissance économique stable et durable, la création de nouveaux emplois, un encouragement à rester en Croatie.

7) Tito

Je vais conclure mon voyage à Dubrovnik avec un grand nom Josip Broz dit Tito.
La biographie officielle de Tito comporte des zones d'ombre et renferme bon nombre d'énigmes. Les années 1912-1926 sont particulièrement floues. Josip Broz s'est-il engagé dans l'armée autrichienne en 1912 comme volontaire ou en 1913 comme mobilisé ? Où a-t-il acquis le goût du luxe et les bonnes manières (il jouait du piano et pratiquait l'escrime, occupations peu communes au sein de la petite paysannerie) ? Dans une école de sous-officiers à Zagreb ou plutôt dans une école de contre-espionnage en Hongrie ? Josip Broz était-il en Croatie ou en Russie entre 1921 et 1925 ? Tito était-il croate, allemand de Hongrie, hongrois, tchèque ?
En 1926, il parlait un croate et un russe approximatifs, mais un allemand parfait ; pourquoi ? Etait-il vraiment Josip Broz ? Si oui, pourquoi parlait-il si mal sa langue maternelle et pourquoi ne rendit-il pas visite à sa mère entre 1912 et 1945 ? Quand, en 1945, il se rendit pour la première fois depuis trente trois ans, sa mère ne le reconnut pas ; elle mourut trois mois après. Ce que l'on sait de Tito en tout cas, en se tenant à la version officielle, c'est qu'il est né en 1892 dans le petit village de Kumrovec dans les environs de Zagreb. Il est le fils d'un Croate et d'une Slovène. Tito a travaillé tout d'abord comme ouvrier métallurgiste avant d'embrasser une carrière dans l'armée. C'est en 1920 qu'il entre au parti communiste où il soutient les idées révolutionnaires. Pendant la seconde guerre mondiale, il se retrouve à la tête des résistants.
En 1953, il est élu président de la République et incarne l'unité du pays dans la lutte contre l'ennemi. Il est le symbole de l'indépendance, de l'autonomie et de la fierté du pays. Il décède en 1980 et demeure un personnage controversé au sein des pays de l'ex-Yougoslavie. (Petit futé 2017/2018)



Photo :
Tête de colonne du Palais du Recteur : l'alchimiste.
Jolie vue depuis le mont Srd qui était un fort impérial défensif construit par les Français en 1810. Il se situe à une hauteur de 412 mètres dans les Alpes Dinariques. La vue sur les montagnes, la ville et la mer avec l'île de Lokrum est superbe. On y accède par un téléphérique.
Les remparts.
Les habits de couleur.

( Le 09/08/2021 )161